Jorge, boxeur fauché et sans emploi, voit sa femme le quitter pour repartir au Brésil avec leur fils. Le Portugal étant au bord de la faillite, les sociétés de recouvrement prospèrent. Pour sauver sa famille, Jorge décide alors d'offrir ses services à l'une d'entre elles, malgré leurs méthodes d'intimidation peu scrupuleuses.

Un ancien ouvrier met ses muscles au service d'une société de recouvrement. La violence du Portugal en crise, mais aussi un hymne à la dignité humaine.

Je m'avancerai, revêtu et protégé par les armes de saint Georges, afin que nul ennemi ne cherche à m'atteindre. Il embrasse fiévreusement la médaille qu'il porte autour du cou, comme s'il y croyait encore. Mais non : Jorge n'y croit plus. Le Portugal est en ruines depuis les oukases de la « troïka ». [A partir de 2010, la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Fonds monétaire international prennent ensemble des mesures drastiques pour amener certains pays européens à rembourser leurs dettes.] Son usine a fermé pour ne rouvrir jamais. La misère règne partout. Depuis le départ de Susana — « la Brésilienne », comme l'appelle son père avec un immense mépris —, Jorge est venu survivre chez lui, avec son gamin, Nelson. Seule la boxe lui permet de gagner quelques sous. Mais il ne s'entraîne pas assez. Son dernier adversaire vient de lui flanquer une raclée, à la grande frayeur de son fils, qu'il retrouve pelotonné dans un endroit désert. Il essaie de lui expliquer que ces coups-là ne font pas mal, comparés aux baffes qu'il prend en pleine gueule chaque jour. Mais le petit garçon — un sosie de celui du Voleur de bicyclette — le regarde avec une telle angoisse qu'il se décide brusquement à se faire engager par une société de recouvrement. Une de ces nombreuses boîtes qui ont racheté les dettes accumulées par particuliers et sociétés. Ses patrons lui demandent de se débarrasser de ses vieilles nippes, de se fringuer mieux : faut être chic quand on terrorise les gens. Le boulot de Jorge consiste à se taire et à impressionner. Faire voir sa carrure, montrer ses muscles, tandis que les beaux parleurs du groupe, eux, s'en vont, la nuit, frapper à la porte des insolvables. « Aidez-nous à vous aider », commencent-ils par dire. Le ton se fait plus menaçant à la visite suivante : « On ne va pas pouvoir patienter plus longtemps. » Après, c'est à lui de jouer : convaincre les réticents, avec ses poings, au besoin, de vendre le peu qui pourrait leur rester... Dans cette ville où les jours semblent aussi tristes que les nuits, Jorge marche. Il marche sans cesse, sans trop savoir où il va, sans trop savoir s'il avance, au demeurant, précédé ou suivi par une caméra qui le cerne, comme les frères Dardenne traquaient l'héroïne de Rosetta. Même fièvre, même fureur, même douleur. Même tendresse, aussi, dans le regard du réalisateur. Pour ces résignés qui s'abandonnent à leur sort, telles des victimes expiatoires, mais aussi pour ces petits magouilleurs tentant de tricher avec un système qui, de toute façon, aura le dernier mot... Seule la dignité éclaire ce film pur, sombre et beau. C'est elle que l'on sent s'infiltrer dans le cœur — voire l'âme — du héros (interprété par un comédien magnifique, Nuno Lopes). Elle lui permet d'éviter, en fait, le piège qui le menace : se détruire lui-même en poussant les autres à mourir pour rien. Pierre Murat. Télérama.fr

Diplômé de l'École supérieure de théâtre et de cinéma de Lisbonne en 1994, Marco Martins est d'abord assistant producteur, notamment pour Wim Wenders (Lisbonne Story) et Pedro Costa (Casa de Lava), tout en réalisant courts-métrages et publicités. Son premier long-métrage, Alice, est un succès critique et public, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2005 et lauréat du Globo de Ouro du meilleur film portugais. Saint Georges, présenté dans la section Horizons de la Mostra de Venise 2016, est nommé quatorze fois aux Prix Sophia 2018. Nuno Lopes, acteur principal dans ces deux films, a lui aussi été primé à Lisbonne et Venise.

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Ce film est interdit aux moins de 16 ans.