Près de Séoul, un tueur en série assassine dix femmes sans laisser d'indices. La police enquête et s'enfonce dans une logique absurde.

* Grand prix, Festival du Film Policier de Cognac 2004.

Un polar original, à la fois drôle et tragique. Un chef d'œuvre du cinéma policier.

Memories of Murders s'inspire d'un authentique fait divers. Entre septembre 1986 et avril 1991, dix femmes furent violées et assassinées dans la petite ville de Hwaseong, avec un modus operandi identique : les victimes sont mortes étranglées avec leurs sous-vêtements. Le tueur n'a jamais été identifié...

Bong Joon-ho ne cache jamais la noirceur atroce de cette histoire – le film plonge sans cesse plus profond dans les ténèbres  –, mais la ponctue de sidérantes parenthèses bouffonnes. La maladresse, la malchance, la malhonnêteté (sinon l'incompétence) des policiers confinent au burlesque : ils sont incapables de sécuriser la première scène de crime, consultent un chaman pour tenter de trouver de nouveaux indices... L'un d'eux passe ses journées au sauna à la recherche d'hommes au pubis glabre (signe particulier, croit-il, du tueur), un autre se prend pour Bruce Lee face aux prévenus... Ce qui n'empêche pas le film d'être déchirant quand, dans un long ralenti, l'inspecteur Seo découvre le cadavre mutilé d'une collégienne. C'est ce mélange des genres – véritable marque de fabrique de Bong Joon-ho – qui fait l'originalité et la force de Memories of Murder. Le film lorgne même vers le fantastique quand, dans l'une des nombreuses scènes nocturnes, une policière vêtue de rouge marche dans la forêt pour servir d'appât. Et bascule dans la terreur pure quand Bong Joon-ho met en scène, avec un art du suspense virtuose, les attaques du tueur.

Le binôme « good cop/bad cop » est une figure incontournable du cinéma policier. Elle est au centre de Memories of Murder, mais habilement détournée par Bong Joon-ho. Dans les premières séquences, l'opposition est tranchée entre Park, le flic rural mal dégrossi et Seo, l'inspecteur venu de Séoul. Le premier ne se fie qu'à son intuition (il se croit capable de deviner au premier regard si un suspect est coupable) et n'est pas trop regardant sur les techniques d'interrogatoire, le second ne croit qu'à la science et reste attaché à la présomption d'innocence. Puis au fil du film et des fausses pistes qui s'accumulent, les caractères se rapprochent voire s'échangent : le cérébral vacille et semble prêt à faire justice lui-même, le rustaud s'humanise alors que toutes ses certitudes s'effondrent. Le long regard caméra de Song Kang-ho (génial de bout en bout) à la fin du film exprime toute la détresse du personnage hanté par cette affaire non résolue. Bong Joon-ho l'a reconnu lui-même: « L'idée que le (vrai) tueur (puisse voir) le film était dans la tête de toute l'équipe, la (sienne) en premier. »

Comme tout bon polar, Memories of Murder ne raconte pas seulement une passionnante enquête criminelle – fut-elle irrésolue. Il témoigne aussi de la réalité sociale d'un pays et d'une époque. Les meurtres de Hwaseong se sont déroulés entre la fin de la dictature et le début de la démocratie en Corée du Sud. Une transition politique mouvementée pendant laquelle, comme le montre le film, la police locale ne rechignait pas à utiliser la torture. Les couvre-feux imposés pour des exercices de défense civile étaient également légions - une forme d'état d'urgence dont a grandement profité le tueur, les forces de l'ordre étant réquisitionnées pour ces entrainements. Samuel Douhaire. Télérama.fr

Fils d'un designer, Joon-ho Bong s'épanouit d'abord au ciné-club de l'université de sociologie de Yonsei à Séoul avant d'étudier le cinéma à la Korean Academy of Film Arts. Démontrant déjà ses talents de cinéaste, son film de fin d'études est sélectionné aux Festivals de Vancouver et de Hong Kong. Fort de ses débuts internationaux, il tourne son premier long métrage en 35mm, Barking Dog, où son humour empreint de sarcasme le révèle auprès de l'industrie cinématographique coréenne. C'est toutefois grâce au thriller Memories of Murder, sur l'affaire non résolue du premier tueur en série coréen, qu'il connait un véritable succès commercial et critique dépassant alors les frontières de son pays.
Il confirme son talent en 2006 avec The Host, où il mélange habilement le film de monstre, la chronique familiale et la comédie satirique. Également teinté de réflexion écologique, The Host est présenté à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs et consolide au passage la renommée internationale du réalisateur. Une renommée qui le permet de participer au triptyque Tokyo ! en 2008 dans lequel il offre sa vision de la mégalopole japonaise aux côtés de cinéastes confirmés comme Leos Carax et Michel Gondry.

Joon-ho Bong nous offre ensuite Mother, le touchant portrait d'une mère tentant de prouver l'innocence de son fils. Projeté à Cannes dans le cadre de la sélection Un Certain regard, le film bénéficie d'un bel accueil critique. Prouvant une nouvelle fois son éclectisme, il se penche dès lors sur La Transperceneige, l'adaptation de la bande dessinée post apocalyptique créée par les Français Jacques Lob et Jean-Marc Rochette.

Pour son film Parasite, il remporte la Palme d'or au Festival de Cannes 2019, puis en 2020, le prix du meilleur film en langue étrangère aux Golden Globes, quatre Oscars (meilleur scénario original, meilleur film international, meilleur réalisateur, et meilleur film) et le César du meilleur film étranger.

Retrouvez ici d'autres films de Joon-Ho Bong, disponibles en DVD dans les médiathèques.

En cours de chargement ...
Ce film est interdit aux moins de 16 ans.