Dans le Donbass, région de l’est de l’Ukraine, une guerre hybride mêle conflit armé ouvert, crimes et saccages perpétrés par des gangs séparatistes. Dans le Donbass, la guerre s’appelle la paix, la propagande est érigée en vérité et la haine prétend être l’amour. Un périple à travers le Donbass, c’est un enchaînement d’aventures folles, dans lesquelles le grotesque et le tragique se mêlent comme la vie et la mort. Ce n’est pas un conte sur une région, un pays ou un système politique mais sur un monde perdu dans l’après vérité et les fausses identités. Cela concerne chacun d’entre nous.

* Prix de la mise en scène, Un Certain Regard, Festival de Cannes 2018.

Dans son film documentaire Maïdan (2014), Sergueï Loznitsa montrait comment une manifestation à Kiev, durant l’hiver 2013, devenait une révolution. Le film, vibrant, était porté par l’espoir d’une ­société plus démocratique. Donbass, la fiction, très documentée, du cinéaste ukrainien, se déroule quelques mois plus tard, mais l’espoir a déjà disparu. Remplacé par une colère froide contre l’absurdité d’une guerre aux allures de cauchemar sans fin que l’invasion de l’armée russe a, depuis, aggravée.

 Le film raconte, en treize sketches, le conflit qui, dans le Donbass, région du sud-est de l’Ukraine, oppose depuis septembre 2014, les forces gouvernementales, soutenues par des mafias locales, aux séparatistes pro-Russes, aidés par d’autres gangs et par les soldats de Poutine. Treize histoires invraisemblables, et pourtant authentiques, qui appuient, parfois lourdement, là où ça fait mal : Loznitsa renvoie dos à dos les deux camps – tantôt victimes, tantôt bourreaux, mais tous corrompus – et témoigne du renversement des valeurs dans l’ex-Empire soviétique. « Dans le Donbass, dit-il, la guerre s’appelle la paix, la propagande est érigée en vérité et la haine prétend être l’amour. »

Le mélange de tragique et de grotesque rappelle Une femme douce, mais la farce est plus affirmée. Une cérémonie de mariage tourne à l’hystérie collective dans une démesure quasi fellinienne. Dans un autre sketch, à l’humour noir irrésistible, un automobiliste tente de récupérer son 4 × 4 « réquisitionné » par les soldats, et se heurte à une brute galonnée métamorphosée en bureaucrate retors. Mais on ne rit plus du tout quand un prisonnier est pris à partie par des passants de plus en plus haineux. Une scène terrifiante, où l’art du plan-séquence de Loznitsa donne sa pleine puissance. Samuel Douhaire. Télérama.fr

Mondialement reconnue, l'œuvre du réalisateur ukrainien Sergueï Loznitsa s’impose comme l’une des plus singulières et des plus novatrices du champ cinématographique contemporain. Ces dernières années, la multiplication des longs métrages et leur sélection dans les plus grands festivals internationaux (Cannes, Venise et Berlin) ont assuré à son travail un ample rayonnement. Bien qu’en France ses premiers films documentaires aient été diffusés dès le début des années 2000, ses films ont longtemps circulé de manière confidentielle et semblaient réservés à un public d’initiés. Aujourd’hui, le cinéaste est l’auteur d’une œuvre devenue incontournable qui comporte plus de 28 films, courts et longs.

Scénariste, réalisateur et producteur, Sergueï Loznitsa est né en 1964 en Biélorussie (ex-URSS) et a grandi en Ukraine. En 1987, il est diplômé de l'École polytechnique de Kiev et travaille jusqu'en 1991 comme scientifique à l'Institut de cybernétique de Kiev. En 1997, il est diplômé de l'Institut national de la cinématographie (VGIK) à Moscou. Sergueï Loznitsa réalise des films depuis 1996 et a signé plus d'une vingtaine de films documentaires ainsi que des œuvres de fiction. Son premier long métrage, My Joy (2010), a été présenté en première mondiale en compétition officielle au Festival de Cannes. Ses longs métrages documentaires comme ses longs métrages de fiction ont été sélectionnés – et pour la plupart d'entre eux, primés – au Festival de Cannes (In the Fog, 2012 ; Maïdan, 2014 ; A Gentle Creature, 2017 ; Donbass, 2018) ou à la Mostra de Venise (The Event, 2015 ; Austerlitz, 2016 ; The Trial, 2018 ; State Funeral, 2019). En 2013, il a fondé une société de production de films, Atoms & Void.

En cours de chargement ...
Ce film est interdit aux moins de 16 ans.
La présence d'un adulte est conseillée pour les plus jeunes.