CHRONIQUES HISTORIQUES, POLITIQUES ET SOCIALES
Quand les multinationales attaquent les Etats
Que se passe-t-il lorsqu’une multinationale considère qu'une nouvelle réglementation ou loi nuit à ses profits ? Elle attaque l’État devant une justice privée : un tribunal d’arbitrage international. Vous n’étiez pas au courant ? Normal, tout cela se passe à huis clos dans le plus grand secret. Pour les contribuables, des milliards sont en jeu.
À
l’automne 2016, des millions d’Européens descendent dans la rue pour
protester contre le Ceta, le traité de libre-échange avec le Canada. Son
rejet par la Wallonie, par la voix de son ministre-président Paul
Magnette, plonge alors l’UE dans une grave crise et place les tribunaux
d’arbitrage sous le feu des projecteurs – et des critiques. Ce
dispositif, prévu dans le cadre de nombreux accords commerciaux
internationaux, permet à des multinationales d’attaquer les États devant
des juges privés – des avocats d’affaires –, afin de réclamer la
compensation d’un manque à gagner réel ou potentiel induit par un
changement de législation. En 2016, Cosigo Resources Ltd. a ainsi déposé
une demande d’arbitrage contre la Colombie : en classant "parc naturel
national" un territoire amazonien sacré, Bogotá a annulé la concession
minière de la compagnie canadienne, laquelle estime son préjudice à 16
milliards de dollars, soit environ 20 % du budget national colombien...
"L’arbitrage est un système profondément défaillant. Il n’est pas juste, pas indépendant, et il est loin d’être équilibré",
assène le professeur de droit canadien Gus Van Harten. De la Colombie à
l’Allemagne en passant par le Pérou, aux prises avec la multinationale
Renco, dont la fonderie de plomb de La Oroya (la "Tchernobyl des Andes")
crache des fumées toxiques qui empoisonnent les enfants, Claire Alet et
Cécile Ancieu (La Dette, une spirale infernale ?)
ont enquêté dans les arcanes de cette justice opaque, au pouvoir
démesuré. Créé par les États, dans l’objectif d’attirer des
investisseurs, ce système fragilise leur capacité à légiférer sur
l’environnement, la santé, les conditions de travail, le tout au
détriment des citoyens, qui seront en outre amenés à payer l’addition.
Laure Delesalle est réalisatrice de films documentaires. Elle
écrit et réalise des films scientifiques, des films sur l'économie et
des programmes pour enfants pour Arte, France 3, France 5 et le Musée
des Sciences de la Villette. Elle a également réalisé des spectacles
pour Planétariums et dispense régulièrement des formations liées à
l'audiovisuel et le cinéma (Université Paris IV Sorbonne, INA, CNES,
INRA, INRIA). Formée aux arts plastiques aux Beaux-Arts de Lille, puis à
l’École d'Architecture Intérieure Camondo à Paris, Laure Delesalle
a exercé le métier d'architecte d'intérieur et de graphiste pour le
dessin animé pendant dix ans en France, aux États-Unis et au Brésil, de
1970 à 1982. Elle se spécialise ensuite dans les Nouvelles Technologies
de l'Image, et exerce la profession de journaliste pendant 10 ans.
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