CABINET DE CURIOSITÉS
Les harmonies Werckmeister (Werckmeister harmóniák - VOstf)
Une petite ville industrielle de Hongrie. Quelques hommes, attablés,
partagent un dernier verre dans le bistrot du coin. Surgit soudain un
autre homme, Janos Valushka, qui pousse toutes les tables et leur
demande de bien vouloir mimer une éclipse de soleil. Plus tard, sur la
place du marché. L'arrivée d'un cirque et de ses attractions
principales, «la plus grande baleine du monde» et un mystérieux prince,
requiert l'attention de tous. Des ouvriers au chômage protestent : les
réjouissances sont trop chères. Et comme en plus, «la plus grande
baleine» ne tient pas ses promesses, la contestation tourne à l'émeute.
Les ouvriers s'en prennent à l'hôpital de la ville, qu'ils saccagent... Alors que la Hongrie est en proie au désordre, Valushka continue de défendre une vision utopique du monde.
Film allégorique, envoûtant, contemplatif et d'une grande beauté.
Les Harmonies Werckmeister est le dernier volet d’une trilogie officieuse, amorcée avec Damnation (1988) alias Perdition , et poursuivie avec le très long Satantango
(1991-1994, durée 7 h 30 !), sommet indépassable. Cette trilogie
hongroise, écrite par Tarr avec le romancier Laszlo Krasznahorkai, mêle
un sens de l’absolu, voire de la sainteté, à un constat sur la
déréliction des individus, sur la déchéance absolue des petites villes
et des campagnes de l’Est, figées dans le froid, l’attente, l’abandon et
l’oubli. Loin du naturalisme devenu la norme du cinéma européen, Tarr
fabrique ses univers de toutes pièces. Le son, les dialogues, comme chez
de grands cinéastes d’antan (Fellini, Bresson, Tarkovski), sont
postsynchronisés. L’image est en noir et blanc profond. Pas de DV
pogoteuse, mais des travellings fluides, en apesanteur. Au lieu
d’immerger simplement ses personnages dans des décors naturels, une
ville, un paysage, puis d’observer ce qui se passe, Tarr réinvente tout.
La ville des Harmonies Werckmeister n’existe pas, ou plutôt elle
est constituée de plusieurs fragments de réalité, prélevés en Ukraine,
en Hongrie et en Roumanie, puis juxtaposés harmonieusement avec le
montage. « Parfois, un personnage entre par une porte dans une ville, et c’est dans une autre ville qu’il va regarder par la fenêtre« ,
explique le cinéaste rencontré à Paris. Clairs-obscurs plutôt
contrastés, musique élégiaque et nostalgique, flonflons tristes, la
trilogie charrie le blues d’un continent en voie de disparition avec un
lyrisme infaillible, une mélancolie diffuse, ponctuée de superbes
épiphanies. Quand on lui suggère que Dostoïevski aurait aimé ses films,
Béla Tarr se réjouit, tout en restant modeste : « Je ne voudrais pas me mesurer à Dostoïevski mais, effectivement, je l’adore. » Valushka (l’attachant Lars Rudolph), infatigable « go-between » des Harmonies Werckmeister,
qui sillonne sans trêve, jour et nuit, sans prendre le temps de dormir
semble-t-il, les rues ainsi que les maisons de cette petite ville
hongroise non identifiée, a quelque chose du génial Idiot, le
prince Mychkine. Lutin fouineur qui fait le lien entre les uns et les
autres, Valushka est à la fois le spectateur et l’ordonnateur du chaos
auquel on va assister.(...) Magnifique. Vincent Ostria. lesinrocks.com
Ici pour lire la suite de la critique sur les Inrocks.
Créateur dès 1980 du studio indépendant
Tàrsulàs (que les autorités hongroises fermeront cinq
ans plus tard), Bela Tarr, cinéaste hongrois, se forge peu à peu un style, lent et centré
sur le social, illustrant avec talent l'un des courants de l'école
de Budapest (cinéma sociologique réalisé à partir
d'une "étude sur le terrain" et souvent joué par des
non professionnels). Il réalise ainsi Rapports préfabriqués
(1982), Almanach d'automne (1984)
et Damnation (1987). Puis, il part enseigner à la Filmakademie de Berlin. En 1994
sort Le tango de Satan, film
de plus de sept heures sur la chute du communisme. En 2000, Bela Tarr tourne Les
Harmonies Werckmeister, son premier film à être distribué
en France. Il devient alors un cinéaste culte ce qui permet la sortie
de Damnation (1987) et du Tango
de Satan (1994). En savoir plus sur Béla Tarr
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