CABINET DE CURIOSITÉS
Rester vivant : méthode
Iggy Pop nous présente une méthode pour rester en vie dans un monde impersonnel. L’essai Rester vivant : méthode de Michel Houellebecq et les expériences personnelles d’Iggy Pop sont les points de départ de cette quête qui s’intéresse au rôle du poète, aux artistes en difficulté et aux problèmes de santé mentale. Un poète mort n’écrit plus, d’où l’importance de rester vivant, et c’est bien là le combat de ce feel good movie sur la souffrance.
En cinq trajectoires de vie atypiques et résolument solitaires, le film
d’Erik Lieshout, Reinier van Brummelen et Arno Hagers tente de
circonscrire une méthode de survie en milieu existentiel hostile. Une
série de préceptes consignés par l’écrivain français, confrontés aux
expériences vécues du leader des Stooges touchent du doigt une profonde
solitude ou cherchent à s’extirper des méandres menaçants de la folie.
En 1991, Michel Houellebecq écrit Rester vivant, un livre, un essai, un recueil de textes courts à propos de la folie, de l’art et de la survie que l’auteur présentait comme « un signal précis mais faible, à ceux qui sont sur le point d’abandonner la partie. »
Il y dévoile sa méthode radicale en cinq points pour « tenir bon »,
avec pour destination finale de cette quête en solitaire, ou condition sine qua non
au passage à l’acte poétique, la souffrance. En résumé, trouver les
abcès de pus de la société et appuyer là où ça fait le plus mal.
Un poète mort n’écrit plus, d’où l’importance de rester vivant — Michel Houellebecq
Destins croisés
Son vieux complice depuis des lustres, avec lequel il a par ailleurs réalisé un disque bilingue (Préliminaires, en 2009), Jimmy Osterberg, alias Iggy Pop y a reconnu ses propres errements aux portes de la folie en début de carrière dans les sixties, alors qu’il était chanteur des Stooges, séminal combo de rock dur.
Tranquillement,
cadré en gros plans au niveau du visage, ou parfois déambulant en tenue
impossible (robe de chambre), chez lui ou parcourant l’Europe, l’Iguane
se met en quelque sorte à nu devant l’objectif, se raconte en miroir
par l’entremise d’un double (?) fictif, selon les mots (traduits en
anglais), figures de style et situations directement inspirées par le
livre de l’auteur français. Se détacher, briser les attaches, s’exposer à
une vie de solitude. L’humour est là, aussi, volontairement ou pas,
dans cette rencontre de deux gueules impossibles face à l’écran, dont la
complicité est palpable lors de tous les plans où on les voit ensemble,
quand bien même ils cabotinent un tantinet de bon gré.
En parallèle des deux « stars » du film (le
Français n’est pas immédiatement présenté comme l’écrivain reconnu mais
comme le dénommé Vincent) qui « rejouent » leur rencontre dans la maison
des grands-parents Houellebecq, le documentaire mêle les destinées
brisées de trois artistes/personnages, des accidentés de la vie, qui ont
(ou ont eu) maille à partir avec la folie ou le sentiment d’isolement
total.
La diagonale des fous
Orpheline
de naissance et poète en herbe, Anne-Claire (Bourdin) a appris qu’elle a
échappé au destin funeste de sa sœur jumelle, morte lors de
l'accouchement. L’incompréhension et le ressentiment l’envahissent d’une
telle manière qu’elle entre dans des phases de crise extatique violente
où elle saccage méthodiquement appartements et maison familiale.
Musicien, artiste, peintre, Robert (Combas)
égrène quelques notes de guitare dans son atelier, en évoquant cette
douleur solitaire proche de l’abandon qu’est l’acte de création. Et même
si lui n’est pas tout à fait seul dans la vie.
Enfin, échappé depuis peu d’un burnout familial et professionnel
(son couple a volé en éclats et l’homme a perdu son travail dans la
foulée), Jérôme (Tessier) partage son temps entre les institutions
psychiatriques et un service de bénévole dans une église de la région de
Lyon. Le regard rivé fixement vers la caméra, l’homme raconte, d’une
voie douce, les yeux grands ouverts, sa plongée dans les méandres de la
folie. Ses paupières, comme inactivées, jamais ne viennent humidifier
ses globes oculaires ni rythmer le débit un peu étrange de ses paroles.
Autant de solitudes et de trajectoires de souffrance, qui, dans le
temps et l'espace d’un mouvement de caméra dans une avenue, finissent
par se rejoindre, le temps d’une marche commune, ou plutôt « accompagnée
» …
Joyeux happy end pour un feel-good movie sur la solitude.
Yannick Hustache - L'article en ligne ici
Retrouvez ici le film de Boris Mitic, Éloge du Rien, disponible en DVD dans les médiathèques.
Et retrouvez ci-dessous un échange avec Boris Mitic qui a eu lieu en novembre 2020, après la projection de son film Éloge du Rien.
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