Mars 2020, le Coronavirus débarque et fait soudain son entrée fracassante en France. Le confinement de la population est imposé : brutal, radical. La guerre est déclarée, et les soignants sont "au front", soudain considérés comme des héros. Bloquée à domicile comme tout le monde, la réalisatrice commence un dialogue avec certains d'entre eux, et met en route un projet pour leur donner la parole. Elle leur suggère de s'emparer de leurs téléphones et va les guider pour qu'ils puissent montrer, se confier, témoigner de leur combat, de leurs vies bouleversées. Un dispositif original s'organise, certes lié aux circonstances, mais aussi conçu pour offrir aux protagonistes une grande liberté de ton et d'expression. Cindy, infirmière à Lyon, Danaé, vacataire en Ehpad, Mathieu, chef de service en psychiatrie dans le 95, Vanessa, aide-soignante dans le Grand Est, Haizia, infirmière à Marseille, Jean-Philippe, réanimateur à Dieppe... au total, cinq femmes et trois hommes. Qu'ils soient "en première ligne" ou confrontés davantage aux dégâts collatéraux du confinement, les personnages du film sont pris en étau entre la nécessité de soigner, leur volonté de bien faire leur travail, et la grande difficulté de le faire en situation de crise aigüe, au sein d'un système de santé délabré et "marchandisé" depuis très longtemps. Comment vont-ils faire face ? Jusqu'où iront-ils ? Vont-ils tenir ? De fin Mars à fin Juillet, au fil des jours et des échanges quotidiens sur Whatsapp, plusieurs centaines de vidéos sont récoltées par la réalisatrice. Avec cette matière foisonnante, très personnelle et "brute", un film de paroles s'écrit, un récit se construit, à la fois choral et intime. Alors que le Covid a imposé sa 2e vague dévastatrice avant, peut-être, une 3e, le récit prend une dimension singulière de témoignage à fleur de peau sur les premiers temps de l'épidémie.

Film projeté à la MLIS dans le cadre du Mois du film documentaire 2021 en présence de la réalisatrice Carine Lefebvre-Quennell et de Cindy Laurent, infirmière aux Hospices Civils de Lyon qui a participé au film.

Le fait que des individus s’occupent d’autres, s’en soucient et ainsi veillent au fonctionnement ordinaire du monde, tout cela va de soi en temps normal, on ne le voit pas. Il y a quelque chose d’extrêmement nouveau dans le fait de prêter attention aux personnes dont on tenait pour acquis qu’elles étaient là pour servir, et dont la fonction apparaît  aujourd’hui comme centrale dans le fonctionnement de nos sociétés.  Sandra Laugier,  philosophe

"On en a soupé. La crise, la pandémie mondiale, le drame du  coronavirus – drame sanitaire, économique, social – l’histoire du confinement brutal, puis le lent déconfinement et l’incertitude de longue durée qui nous tombe dessus, on en a largement soupé. En me lançant dans ce film, je me suis demandé qui aurait envie d’entendre parler du coronavirus quand enfin on sortirait de ce marasme, de cette glue mortifère et liberticide, si on en sort un jour ? 

Mais une autre voix en moi, plus insistante celle-là, m’intimait d’avancer. Parce que je suis convaincue que cette histoire, c’est-à-dire les débuts – la première vague – on a besoin de la raconter, en documentant ce que nous vivons afin, ensuite, de pouvoir prendre du recul.   

Les moyens du cinéma documentaire, bien différents de ceux des médias qui couvrent « à chaud », ont tout autant besoin d’être déployés, pour se mettre au service de regards personnels et de récits élaborés dans la durée. (...) On a beau ne connaître que trop bien déjà l’histoire récente, via toutes sortes de médias, nous la redécouvrons grâce à ces voix, ces regards sensibles, dont la légitimité à raconter et à montrer est évidente. Les soignants-personnages du film dévoilent de  manière très « cash », spontanée ce qu’ils et elles vivent, pensent et voient quotidiennement. Avec colère, avec indignation, avec humour, avec bonheur parfois, avec poésie souvent… et aussi dans la réflexion, pas seulement dans l’affect." Carine Lefebvre-Quennell

Après des études de théâtre, Carine Lefebvre-Quennell travaille sur des tournages de films de fiction en tant qu’assistante à la réalisation. En 1998, après son stage aux Ateliers Varan, elle commence la réalisation de films documentaires, tout en coachant des acteurs (notamment au Studio Pygmalion) et des enfants (sur demande des productions). Son premier documentaire intitulé Alzheimer mon amour est diffusé en 1999 dans “Envoyé Spécial”. A partir de 2001, sa longue collaboration avec Point du Jour donnera naissance à cinq films de 52′, tous diffusés sur France Télévisions, ainsi qu’à une série de films courts pour l’émission “Les Maternelles”, et deux web-tvs (AFM et Orange Télécom). Depuis fin 2012, elle travaille avec la journaliste Caroline Donati, et en collaboration avec des journalistes citoyens syriens, pour la fabrication du web-documentaire Syrie, Journaux intimes de la révolution, lauréat de nombreux prix, diffusé sur les sites d’Arte et de Mediapart. En parallèle, Carine Levebvre-Quennell anime un atelier écriture et cinéma à la Maison d’Arrêt des Hommes de Fleury-Mérogis. En 2015, elle part durant une année en Indonésie pour filmer la Green School, l'école sans murs, école écologique située sur l'île de Bali. Pendant le confinement de 2020 dû à la pandémie de COVID-19, elle réalise Derrière nos masques. En 2021, elle co-écrit Option éducation sexuelle avec Marie-Pierre Jaury. Le film remporte le Prix PFDM au FIPADOC en 2022.

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Ce film est interdit aux moins de 16 ans.