LA VIE MÊME
Pau et son frère (Pau i el seu germà - VOstf)
Barcelone, en 2000. Pau est appelé pour identifier le corps de son
frère, Alex, parti depuis longtemps vivre dans un village pyrénéen.
Accompagné de sa mère, à qui il a dû apprendre la triste nouvelle, il
prend la route des Pyrénées, désireux d'en savoir plus sur la vie qu'y
menait son frère. Là-bas, ils font la connaissance d'Emili, le plus
proche ami d'Alex, qui travaille sur le chantier tout proche de
l'autoroute, ainsi que de Merce, la compagne du défunt. Pau et sa mère
s'attardent quelques jours...
Dans un village des Pyrénées, un deuil crée des liens inattendus. Un film sobre, délicat de Marc Recha.
Il est d'usage, après un festival de Cannes, d'établir des
ponts entre les films présentés, de souligner des convergences. L'une
des plus frappantes fut cette année le thème du deuil, illustré en
premier chef par la Palme d'or de Moretti. A l'autre extrémité de
l'échelle médiatique, voici un discret mais beau film catalan, qui est
reparti de la Croisette sans prix mais non sans laisser de traces dans
les mémoires , et où c'est aussi la mort d'un proche qui donne la
note. On y trouve la preuve, si nécessaire, qu'il y a autant de manières
de traiter un sujet que de cinéastes.
Cela commence un matin ensoleillé à Barcelone, lorsque Pau, trentenaire
sans signe particulier, apprend par téléphone qu'il doit se rendre à la
morgue pour identifier le corps de son frère, dont il n'avait plus de
nouvelles depuis longtemps. Alex s'est suicidé, mais Pau le cache à leur
mère, Merce, et décide seul l'incinération du corps. Tout est filmé
sans effets, de la façon la plus ordinaire possible, comme une série
d'opérations balisées et concrètes qui, un temps, tiennent à distance
les interrogations et la douleur.
Le travail de deuil ne fait que commencer : Pau et sa mère débarquent
dans le petit village des Pyrénées où Alex vivait. Là, autour du
chantier de construction d'une petite route, ils rencontrent à tâtons
celles et ceux qui ont partagé ses derniers mois. Ils
découvrent sa maison, ses affaires, les modestes vestiges de son
existence, une cassette vidéo, des photos... Rien qui explique ou donne
un sens, mais cette fois, dans ce décor de montagnes à la fois
magnifique et rude, le chagrin trouve un territoire où s'exprimer, se
refléter, se transformer.
Marc Recha, remarqué il y a deux ans pour L'Arbre aux cerises,
réconcilie caméra à l'épaule et patience contemplative. Il prend le
temps. Le temps de restituer aux paysages leur puissance expressive,
comme celui d'enregistrer les conversations de table les plus anodines. A
la manière d'un documentariste, il semble découvrir en même temps que
ses personnages comment l'onde de choc de la mort d'Alex se propage dans
les esprits et dans les corps. Et comment elle insuffle paradoxalement
aux uns et aux autres d'impérieuses envies de vivre et d'aimer.
Dans ce désordre
improvisé et a priori bien peu solennel, on distingue soudain les
modalités d'une viscérale cérémonie d'adieux qui, tôt ou tard, devra
prendre fin. Et c'est pourquoi la dernière partie (le retour à
Barcelone), même un peu étirée, est nécessaire. Marc Recha y montre
toujours avec la même économie de dialogues et d'effets que les élans
d'affection et les sursauts d'énergie suscités par le deuil ne sont pas
destinés à perdurer. Au fond, presque rien n'a changé. Mais ce « presque
rien », le cinéaste s'en empare délicatement pour y loger la
signification ultime, et émouvante, de son film - Louis Guichard - Télérama
Marc Recha réalise ses premiers films
dès son plus jeune âge avec une caméra super 8 reçue en cadeau. Plus
tard, il découvre Robert Bresson
et le cinéma asiatique à la Cinémathèque de Barcelone. Titulaire d'une
bourse, il part à Paris où il travaille auprès du cinéaste
avant-gardiste Marcel Hanoun. En autodidacte, il écrit, réalise et produit plusieurs courts métrages.
A 21 ans, Recha tourne en trois jours son premier long métrage, Le Ciel monte,
d'après un roman écrit en 1916 par son compatriote Eugenio Ors. La
critique internationale le découvre avec son deuxième film, prix de la
Fipresci à Locarno, L'Arbre aux cerises, dans lequel il filme le quotidien d'un village espagnol, en portant une grande attention à la nature. "Le cinéma, c'est le regard ; et le regard, c'est attendre les choses, attendre qu'elles se révèlent",
déclarera-t-il aux Inrockuptibles.
Sa notoriété s'accroit avec Pau et son frère,
présenté en compétition au Festival de Cannes en 2001. Foncièrement
indépendant, le réalisateur affine sa méthode : réunir une équipe dans
un lieu isolé et se nourrir des aléas du tournage pour enrichir un
scénario en constante évolution. Olivier Gourmet et Eduardo Noriega font partie de la distribution de son quatrième opus, présenté à Cannes dans la section Un certain Regard, Les Mains vides (2004) un film tourné de l'autre côté des Pyrénées, une première pour le cinéaste. Puis ce sera Jours d'août en 2007 dans lequel Marc Recha joue lui-même aux côtés de son frère David, le rôle principal de cette quête initiatique autour de la disparition d'un journaliste.
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