LA VIE MÊME
Nocturnes (Vf et Vostf)
Entre la peur et l'émerveillement, un enfant se construit un
petit monde, une collection de souvenirs singuliers dont il réalise,
longtemps après, qu'il les a partagés avec toute une génération. Henri Colomer. Côte Vermeille, 1958. Quand on est petit, comme l'enfant de ce film,
tout est mystérieux. D'autant plus quand votre vie bascule et que votre
père devient soldat en pleine guerre d'Algérie. Neuf moments privilégiés de la vie d'un enfant
et la chronique du monde qui change autour de lui. Sans prévenir, la
grande Histoire s'invite dans le petit univers fragile où il évolue.
C'est la guerre de l'autre côté de la mer, en Algérie. Son père devient
soldat, les murs d'une caserne remplacent les terrains d'aventures.
L'enfant pressent qu'il tient sa vie entre ses mains. Il a devant lui
le royaume de l'imagination et derrière, le trésor inaliénable de ses
souvenirs.
Inédit en DVD dans les médiathèques.
Des instants fragiles, qui, sous le regard du cinéaste redevenu aussi
vierge que celui de l'enfant, prennent soudain une autre dimension,
magique et mystérieuse. Ainsi, cette très belle séquence où les deux
frères regardent, émerveillés, la lumière du phare s'éteindre et
s'allumer. Télérama
Quand un film
français nous propose un énième retour dans les années 50 via la figure
angélique d’un p’tit gars en culottes courtes, on est en droit, vu les
antécédents, de craindre le pire : une esthétique publicitaire
nostalgique et franchouillarde dégoulinant de bons sentiments.
Détrompons-nous, rien n’est plus éloigné de l’esprit magique du film
d’Henry Colomer, qui redonne ici à l’enfance sa place la plus belle sur
un écran. Ou comment l’enregistrement du monde par un enfant constitue
la forme originelle du cinéma, à la fois sa source d’inspiration la
plus riche et son mode de réception le plus enchanté, pour reprendre une
vieille rengaine cinéphile. Si le noir et blanc de Nocturnes
comme son chapitrage font au début un peu peur tant ils paraissent un
poil appliqués, le film parvient à se détourner des sentiers lisses du
papier glacé et de l’illustration littéraire pour nous conduire peu à
peu vers des rivages davantage mystérieux qui nous rappellent
l’éclairage mi-féerique, mi-crépusculaire de La Nuit du chasseur.
Il faut dire que la lumière occupe ici une place de premier ordre, à
la fois forte et fragile, évoquant les lanternes magiques de l’enfance,
des commencements, et soulignant aussi l’épaisseur de l’obscurité
environnante. D’ailleurs, Nocturnes ressemble à une constellation, avançant au gré de motifs étoilés. lesinrocks.com
Henry Colomer a étudié à l'IDHEC à Paris et au Dramatiska Institutet de Stockholm. Il a obtenu un diplôme de réalisation et de prise de vue ainsi qu'une maîtrise de philosophie.
Après s'être formé à diverses techniques et s'être essayé au
court-métrage, il écrit des scénarios de fiction, dont ceux des films de
Lam Lê, Rencontre des nuages et du dragon (1980) et Poussière d'empire (1983). Il réalise ensuite des sujets de magazines produits par l'INA et des documentaires liés à l'histoire culturelle comme Les routes de la lumière (1992), La maison de l'éveil (1995) et Anatomie de la couleur, 1996.
Son goût pour la littérature le conduit à tourner des portraits comme Salvador Espriu (1989) et Primo Levi (1990) dans la collection Préfaces diffusée par Arte, ou encore Victor Hugo – L'exilé (2002). En 2012, il réalise Vies métalliques, rencontres avec Pierre Bergounioux ainsi que Des voix dans le chœur. Éloge des traducteurs
(2017) voyant dans la traduction une grande parenté avec les exigences qui sont celles de
son travail. Devant la richesse d’un texte ou l’énigme de la personne
qu’on est en train de filmer, il faut interpréter, éclairer et
privilégier certains aspects, en maintenir d’autres dans la pénombre,
trouver la juste pesée du pinceau.
Henry Colomer aime à répéter que son travail sur l'histoire se place sous l'invocation d'une phrase- talisman de Walter Benjamin : Il existe un rendez-vous tacite entre les générations passées et la nôtre. Nous avons été attendus sur la terre. Dans cette veine « généalogique », il réalise plusieurs films
d'archives liés aux grands bouleversements qui ont marqué la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Monte Verità (1996), sur la colonie utopique du même nom ; Optimum (2000), sur les pionniers de l'utilitarisme ; Sous les drapeaux
(2008), autour de la Grande Guerre, dans lequel il entend souligner
l'importance de notre « deuxième peau symbolique » — les vêtements, les
drapeaux, les uniformes — et, par là, attirer le regard vers les corps,
les gestes, les rituels. Le film est porté par la musique originale de Jacopo Baboni Schilingi, avec qui il a collaboré plusieurs fois.
Plus récemment, il a réalisé un triptyque à partir d'archives de l'INA : La télé (2014), De l'air (2015) Du chiffre ! Chroniques d'une conquête
(2013). Trois essais filmés sur les premières décennies des Trente
Glorieuses et leur retentissement jusqu'à nos jours. C'est le montage
seul qui assure « la fabrique du continu » de ces films, marqués par la
volonté du réalisateur de ne plus avoir recours à un commentaire en
surplomb, dictant au spectateur ce qu'il doit penser et ressentir.
Ses dernières réalisations sont une série de « films d'atelier »
qu'il tourne seul, sur une longue durée, dans un climat d'intimité et
d'attention soutenue qui évoque pour lui la musique de chambre. Iddu (2008) consacré au travail Jean-Michel Fauquet, photographe et plasticien ; Ricercar
(2010) est un film sur l'écoute, l'échange, la passion pour le clavecin
partagée avec leurs amis musiciens par deux facteurs exceptionnels,
Philippe Humeau et Émile Jobin ; Des voix dans le chœur – Éloge des traducteurs (2017) qui se présente comme « un voyage au royaume de la nuance » et a remporté une Étoile de la SCAM en 2018.
Inspiré par ses souvenirs, son long-métrage Nocturnes
entrelace de courtes séquences documentaires et des scènes de fiction
évoquant neuf moments de la vie d'un enfant à l'époque de la guerre
d'Algérie. Sur la même période, Henry Colomer a réalisé un documentaire
centré sur l'imaginaire collectif de sa famille, Vies parallèles
(2010).
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