LA VIE MÊME
Beppie (VOstf)
Beppie a 10 ans. Issue d'un milieu ouvrier, c'est une vraie gamine d'Amsterdam, drôle, pleine d'esprit. Spontanée, elle raconte pendant plusieurs mois ses aventures au cinéaste qui la suit dans sa vie quotidienne. Évocation de la vie, de la mort, de la télévision, de l'amour, de l'argent...
"Beppie" ou la forme. La beauté exceptionnelle du
film repose sur ce regard moderne (les êtres filmés par Johan van der Keuken
sont des formes), mosaïque de points de vue sur cette petite fille : sainte
profane du prolétariat d'Amsterdam, magnifiquement insolente avec sa frange
"à la Jeanne d'Arc". Le film est une ode à son visage – abondamment
illuminé par des images de cinéma, puis par une pincée de musique sacrée. On
pense à la Falconetti chez Dreyer. La rue triste de l’hiver le long du canal et
un gros plan des flaques d’eau où se reflètent les maisons noires et pointues
comme une frise puis un panoramique guident notre regard vers une petite main
fermée qui montre sa bague d’enfant. De nouveau la rue, l’hiver, gros plan des
mocassins de Beppie, de ses collants jusqu’aux genoux. Son existence triomphe
et éclaire tout de sa joie. Van der Keuken est le cinéaste moderne par
excellence, sa musicalité nous emporte et court devant nous, puis lentement
l’histoire surgit au fil du film (on la connaissait d’avance). Arnaud Hée, programmateur,
enseignant et critique et Claire Simon, réalisatrice
Johan van der Keuken est un réalisateur et photographe néerlandais, né le 4 avril
1938 à Amsterdam, où il est mort le 7 janvier 2001. Il a douze
ans quand son grand-père l’initie à la photographie, dix-sept quand il publie
son premier album et dix-huit lorsqu'il intègre l’IDHEC (l'Institut Des Hautes
Etudes Cinématographiques), à Paris. Nous sommes en 1956 ; il passera deux
années dans la capitale française, deux années de vagabondage visuel où l’école
n’est qu’un alibi pour flâner dans la ville, "se poser des questions,
chercher des réponses", bref, "découvrir la vie". C’est à cette même époque qu’il travaille à la réalisation
de son livre Paris mortel qui verra effectivement le jour en 1963. Pour Johan
van der Keuken, c’est une période de lente transition vers le cinéma, où il
questionne la notion même de vision, explore le cadre et la couleur,
expérimente des choses qui doucement, viendront nourrir ses films. [...]
Un moment de silence, officiellement son premier film,
réalisé en 1960, ouvre sa filmographie et annonce tout son cinéma à venir : des
récits fragmentaires dont l’agencement bouscule les règles du montage
traditionnel. Une caméra faite œil, un corps caméra, un cinéma physiologique
qui enregistre ce qui l’entoure et le restitue dans le flot des images par le
prisme de la pensée. À sa mort, il laisse une œuvre engagée et universelle, riche
d’une cinquantaine de films tous tournés en pellicule, dont on peut citer
L'Enfant aveugle (1964), Les Vacances du cinéaste (1974), Vers le Sud (1981),
L'Œil au-dessus du puits (1988), Amsterdam Global Village (1996), ou encore,
Vacances prolongées (2000). (Source : Tënk)
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