Romancier, Daniel vit seul dans une immense villa bunkérisée, non loin d’une grande ville d’Espagne. Il est devenu riche, a reçu tous les honneurs, dont le prix Nobel de littérature. Parmi les multiples sollicitations venues du monde entier, l’une des rares qu’il accepte d’honorer vient d’une bourgade d’Argentine, Salas, où il a grandi, sur laquelle il a écrit, mais où il n’est jamais retourné, depuis quarante ans…

* Goya du meilleur film étranger en langue espagnole pour Citoyen d'honneur, Espagne, 2017.

Sur fond de différences culturelles, de rancœur sociale et sentimentale, la réussite de cette satire, cruelle mais tendre, tient au mélange de générosité et de lâcheté du héros. Pas sympathique, vaniteux mais aussi fatigué de l’être, il s’expose à la fragilité de sa condition. Que poursuit-on, que fuit-on quand on est romancier ? Pour qui écrit-on ? A partir de quand reconnaissance rime avec compromission ? Autant de questions qui, visiblement, obsèdent le duo de réalisateurs argentins qui avait déjà traité de l’art et de l’imposture, avec L’Artiste, en 2008. Retrouvant des accents de la grande comédie italienne de jadis, Citoyen d’honneur bénéficie du talent d’Oscar Martínez (sacré meilleur comédien à la Mostra de Venise 2016), déjà remarqué dans Les Nouveaux Sauvages. Sauvage, ce film l’est aussi. Point de goudron ni de plumes comme au Far West, mais presque. Le titre aurait pu être Règlement de comptes à OK Salas. Jacques Morice. Télérama.fr

Citoyen d’honneur est une drôle de comédie qui vire au cauchemar. Il y plane l’ombre des farces cruelles de l’âge d’or de la comédie italienne, mais aussi celle de Borges, Cortázar et des mises en abymes de la littérature fantastique latino-américaine. Le lauréat argentin du prix Nobel de littérature, installé à Barcelone, décide d’accepter l’invitation de son village natal. Passé l’émotion des retrouvailles, et plusieurs situations cocasses, le célèbre écrivain doit bientôt affronter les réactions menaçantes de certains habitants. Citoyen d’honneur nous plonge dans l’atmosphère étouffante d’une petite ville perdue dans la pampa argentine. L’humour se teinte progressivement d’inquiétude et d’angoisse. Des villageois se révèlent si flippants et dangereux que le film éveille le souvenir moite de Outback, réveil dans la terreur de Ted Kotcheff. Point de tueurs de kangourous abrutis à la bière dans Citoyen d’honneur, mais des baronnets locaux aux pulsions fascistes et grégaires, prêts à entreprendre une partie de chasse nocturne pour se débarrasser d’un visiteur gênant. Dans le rôle de l’écrivain misanthrope confronté à l’hostilité de ses concitoyens, pris dans un cercle vicieux qui l’empêche de quitter un lieu transformé en piège, Oscar Martinez est remarquable. Sa performance lui a valu le prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise. On aurait tort de réduire le film de Mariano Cohn et Gaston Duprat à une satire féroce, qui n’épargne aucun personnage. C’est aussi une réflexion sur la création littéraire, et les rapports étranges entre réalité et fiction, comme le révèle le coup de théâtre final.


Mariano Cohn et Gastón Duprat sont deux cinéastes argentins travaillant régulièrement ensemble. Ils ont ainsi coréalisé en 2006
Yo Presidente, documentaire sur les chefs d'État argentins depuis 1983, en 2008 L'Artiste (El artista), comédie dramatique, en 2009 L'Homme d'à côté (El hombre de al lado), thriller, en 2011 Querida, voy a comprar cigarrillos y vuelvo, comédie dramatique, en 2016 Citoyen d'honneur (El ciudadano ilustre), en 2017 Un coup de maître (Mi obra maestra), comédie dramatique. En 2019, Mariana Cogn réalise seul 4x4, film de survie.

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Ce film est interdit aux moins de 16 ans.