CINÉMA FRANÇAIS ANNÉES 60 ET 70
Absences répétées
François travaille dans une banque. Il a vingt-deux ans, et rien ne
semble l'intéresser en ce monde. Le directeur de la banque le convoque
et lui déclare que vues ses absences répétées, il est congédié. Cette
rupture avec le milieu professionnel déclenche chez François un
processus d'isolement irréversible. Drogué, François s'isole dans l'univers clos de sa chambre, dans une quasi-solitude, interrompue seulement par les visites de ses amis, sa femme et sa mère, qui finiront par se lasser. Une fois, il tente un retour à la vie…
Un film sensible et douloureux !
* Prix Jean VIGO 1973.
Les films sont des actes poétiques avant d'être des spectacles. Je suis
formaliste, mais la forme est l'expression de la sensibilité. Guy Gilles
Absences répétées est
le quatrième long métrage de Guy Gilles. Il ne faut
pas s'étonner d'y trouver un certain romantisme lié à l'état
d'adolescence et à la nostalgie du passé.
J'ai la nostalgie du passé parce que le passé c'est vécu, fini. J'ai
horreur de la vieillesse. Tous mes films sont liés à l’idée du temps, ce
qui est le propre des gens qui pensent beaucoup au suicide. Je crois
qu'on se suicide par amour de la vie, parce que l'idée que l'on doit
forcément mourir conduit au désespoir et à la fascination de la mort. (Guy Gilles). Mais, pour la première fois, Guy Gilles traite ouvertement un thème
resté sous-jacent dans ses films précédents : celui de l'amour
homosexuel. Dans Absences répétées,
l'amour ne se manifeste pas différemment, qu'il s'agisse d'un être de
son propre sexe ou du sexe différent. Je crois qu'il faut attendre
certains moments pour exprimer des idées comme celle-là. Pas tellement
par rapport aux autres mais par rapport à soit-même. Si Proust écrivait
aujourd'hui, il oserait appeler Albertine Albert. (Guy Gilles). Drogue, homosexualité, ce n'est pas l'essentiel. L'amour même librement
réalisé en dehors des notions de " normal " et d' “anormal”, n'est pas
un élément suffisant pour retenir François, amateur d'absolu auquel
Patrick Penn prête un visage douloureusement fermé. Du désespoir à la
mort, le film suit l'itinéraire d'une autodestruction. “ Je croyais que
la vie était un poème”, écrit Français dans son journal intime. Elle ne
l'est pas et François devance la mort. Mais les images de Guy Gilles
écrivent sur des nuits blêmes des bribes de l'impossible poème. La vie
extérieure de François est en noir et blanc, les fantasmes sont en
couleurs. Cartes postales manipulées, comme toujours chez Guy Gilles,
pour " visualiser " les traces et les cendres du temps, objets démodés,
chanson tendre, clocharde grotesquement fardée, pluie qui évoque les
larmes, jeunes gens complices qui contemplent, derrière une vitre, le
spectacle dérisoire d'un bal populaire. L'érotisme passe par de
fiévreuses visions sentimentales, une exigence de pureté. Dans une "
soirée " où Pierre Bertin promène la carcasse desséchée de
l'homosexualité mondaine et ostentatoire, Français revoit, une dernière
fois, les fantômes de sa vie, avant de s'absenter définitivement. (...) Jacques Siclier, Le Monde, D.R.
Né à Alger le 25 août 1940, Guy Gilles est élève
de l'école des Beaux-Arts de sa ville natale. Il est d'abord peintre
et chroniqueur à "L'Écho d'Alger" avant de réaliser,
au sortir de l'adolescence, deux courts métrages produits avec l'argent
de ses piges, Soleil éteint et Au biseau des baisers.
Guy Gilles débarque à Paris, en décembre 1960. En allant montrer ses films au producteur Pierre Braunberger, il rencontre
François Reichenbach, qui l'engage comme opérateur et produit
son court métrage Melancholia. Guy Gilles fait aussi la connaissance
d'Agnès Varda et de Jacques Demy, dont il deviendra l'assistant pour
La Luxure, le sketch des Sept péchés capitaux
(1961). A vingt cinq ans à peine, il a touché à tous
les métiers du cinéma, ce qui lui permettra d'avoir plus tard
une maîtrise totale de ses propres films.
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