Pour Michel et Claire, les vacances s’annoncent difficiles. Leurs trois fillettes s’impatientent à l’arrière de la voiture familiale sur le point de rendre l’âme, et leur maison de vacances - en travaux depuis cinq ans - accapare leur énergie et leurs économies. Et voilà qu'Harry tombe du ciel. Un ami d’enfance prêt à tout pour faire le bonheur de Michel…

* César du meilleur réalisateur pour Dominik Moll et du meilleur acteur pour Sergi Lopez, Meilleur montage, Meilleur son, 2001.

L’intrusion étrange d’un ami de lycée dans la vie d’un couple !

Écrite par Gilles Marchand et Dominik Moll, cette comédie de mœurs qui dévie en milieu de récit vers le polar horrifique est d’abord un modèle de scénario. Retenant la leçon hitchcockienne, les auteurs décrivent des personnages ordinaires subitement dépassés par des circonstances étranges. Rien de plus banale en effet que l’existence de Michel (Laurent Lucas) et Claire (Mathilde Seigner), couple de trentenaires issus de la classe moyenne, prenant la route des vacances dans une voiture sans air conditionné, flanqués de trois fillettes ravissantes mais capricieuses, et contrariés par les travaux interminables et coûteux d’une maison de campagne. Il ne manque ni le démarreur qui tombe en panne, ni la gamine sous antibiotique après une double otite, ni la surprise de la salle de bain rénovée en rose fushia par des parents bienveillants, mais envahissants (Dominique Rozan et Liliane Rovère). À cette vie étriquée, mais somme toute sans histoires et pour tout dire « normale », les auteurs opposent le couple insolite et aisé formé par le volubile et extraverti Harry (Sergi Lopez) et sa fiancée taciturne et sensuelle (Sophie Guillemin). L’amitié soudaine que Harry éprouve pour Michel et son insistance à vouloir lui faire suivre une carrière d’écrivain est le premier indice d’un malaise. Harry s’incruste tel Tartuffe chez Orgon, mais il ne saurait être un intégriste de l’art littéraire, compte tenu de la médiocrité des écrits de jeunesse de Michel qu’il semble tant louer.
Est-ce alors une attirance homosexuelle, et Harry serait-il un ange (ou démon) pasolinien, au même titre que Terence Stamp dans Théorème ? Si la réponse est donnée dans la seconde partie du film, jamais Dominik Moll ne cède aux sirènes de l’explication psychologique et de la vraisemblance, le mystère de Harry et de ses intentions n’étant pas entièrement levé. Il y a dans cette œuvre un art de la suggestion, voire un ton lynchien qui évitent la surenchère et la grandiloquence, à l’image du passage qui voit Harry rechercher le téléphone du frère (Michel Fau). Si le montage de Yannick Kergoat n’est pas pour rien dans le sentiment d’oppression ambiante, on appréciera aussi une partition musicale n’hésitant pas à créer un décalage, à l’instar de la chanson Ramona interprétée par Dolores del Rio, écho à la Paloma de Mortelle randonnée, autre polar d’ambiance. Harry, un ami qui vous veut du bien fut le deuxième triomphateur des César 2001, après Le goût des autres. Dominik Moll dama le pion à Agnès Jaoui pour le César du meilleur réalisateur. Dans la catégorie du meilleur acteur, Jean-Pierre Bacri dut s’incliner devant Sergi Lopez, dont la composition de faux ami jovial et machiavélique est mémorable. Gérard Crespo. Avoir-alire.com

Dominik Moll est né en 1962 de père allemand et de mère française. Adolescent, il rêve de tourner des documentaires animaliers. Parti à New York étudier le cinéma à la City University, il tourne en 1983 son premier court métrage, The Blanket, d'après une nouvelle de Bukowski. Il réalisera plusieurs autres courts dans le cadre de l'IDHEC où il se lie d'amitié avec d'autres futurs cinéastes, notamment Laurent Cantet (Moll sera son assistant réalisateur sur Les Sanguinaires et Ressources humaines) et Gilles Marchand, qui deviendra son scénariste. Il assiste également Marcel Ophuls sur le tournage du célèbre documentaire-fleuve Veillées d'armes en 1994. Dominik Moll réalise en 1993 son premier long métrage, Intimité, inspiré d'une nouvelle de Jean-Paul Sartre, mais ce coup d'essai, dans lequel apparaît déjà le goût du cinéaste pour la manipulation, passe inaperçu dans les salles. Moll devra attendre six ans pour tourner son deuxième film, Harry, un ami qui vous veut du bien, présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, plusieurs fois récompensé aux César. Il réalise ensuite Lemming, film d'ouverture du Festival de Cannes en 2005. En 2010, Dominik Moll réalise Le Moine, adaptation du roman gothique de Matthew Lewis. Puis il travaille sur la série franco-britannique Tunnel dont il réalise les deux premiers épisodes. En 2015, il réalise Des nouvelles de la planère Mars puis Seules les bêtes en 2019. En 2022, son film La Nuit du 12 est présenté dans la sélection Cannes Première au Festival de Cannes. Il est multi-récompensé aux César.

Retrouvez d'autres films réalisés et/ou scénarisés par Dominik Moll, disponibles en DVD dans les médiathèques.

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Ce film est interdit aux moins de 16 ans.