LA VIE MÊME
Vanya, 42ème rue (Vanya on 42nd Street - VOstf)
New York, sur la 42e rue. Une troupe de comédiens s’est donné
rendez-vous devant le New Amsterdam, un gigantesque théâtre désaffecté.
Quelques notes de jazz, des retrouvailles : ils viennent y répéter
"Oncle Vania", célèbre pièce d’Anton Tchekhov, sous la direction d'André
Gregory, grand metteur en scène. On ne s'aperçoit de rien, mais la vie
rapidement se mêle au théâtre, dans une œuvre de maturité sur la
création et le temps qui passe.
Inédit en DVD dans les médiathèques !
Vanya, 42e rue est le dernier long-métrage de Louis Malle, qui dira à son propos « Je voulais tourner un documentaire sur Tchekhov, tout en faisant de Tchekhov un documentariste de nos vies... ».
Pour ce qui aura été son dernier film, Louis Malle avait décidé
d’adapter la pièce de Tchekhov, jouée dans le film par une troupe
new-yorkaise : des êtres immobiles s’ennuient, pas nous. Jouant du flou
entre répétitions théâtrales et narrations d’un autre film, Louis Malle
livre là un chef-d’œuvre testament.
Tout commence, se déroule, et
finit à New York. C’est pourtant dans les fins fonds (les bas-fonds ?)
de l’être humain que Tchekhov et Louis Malle s’insèrent avec une grâce
et une douceur relativement amères. Une troupe répète Oncle Vanya,
et Louis Malle en filme le filage : du théâtre filmé ? un film sur le
théâtre ? Rien de tout cela, car le réalisateur brouille les pistes dès
le départ entre la pièce et son film, qui ne forment qu’un, entre
littérature et images, qui ne forment qu’une seule réalité. Et c’est
sans doute la plus grande réussite du réalisateur : filmer une pièce et
faire un film, admirable. (...) Naviguant entre les scènes de famille et les scènes en duo, Louis
Malle rentre dans l’intimité de chacun et du groupe : il filme les
visages en gros plan, les mouvements de mains, les expressions de
désespoir. Il n’hésite pas à montrer les rides de ses acteurs, tous
formidables, Julianne Moore (Yéléna) qui avait là un de ses premiers
grands rôles, et Wallace Shawn (Vanya) en tête. Ils rient au bord des
larmes. Ils passent d’un extrême à l’autre, avec le naturel déconcertant
des humains qui ne se sont jamais posés, qui n’ont jamais choisi en âme
et conscience. La caméra se pose de temps à autre sur l’un d’eux, le
met en lumière, pour ne pas l’éloigner totalement de celui qui le
regarde, réalisateur ou simple spectateur, comme pour montrer que ce qui
se trame sur la scène ressemble à ce qui se trame à l’extérieur. Aller
dans les intérieurs, voilà ce que Louis Malle a voulu faire, en ne
sortant plus du théâtre une fois entré, en baissant peu à peu sa caméra
pour regarder les personnages en légère plongée, les voir non d’un point
de vue de créateur omniscient, mais d’homme qui se questionne autant
que les pantins de Tchekhov.
C’est le dernier et probablement l’un des films les plus personnels de Louis Malle. Vanya, 42e rue
est un film sur une vieillesse qui ne dit pas encore son nom, et qui
n’a pas eu le temps de s’accepter. Vers une mort progressive et proche,
Vanya et son entourage finissent par reprendre une activité, tout aussi
vaine que l’oisiveté de Yéléna. Parce qu’ils ne peuvent oublier, parce
qu’ils n’ont pas appris à se forger une identité. Louis Malle, quant à
lui, donnait la dernière touche, d’une beauté incroyable, à une
filmographie déjà conséquente. Ariane Beauvillard. Crikitat.com
Louis Malle (1932-1995) est un réalisateur, scénariste, dialoguiste, directeur de la photographie et producteur français. Après
avoir suivi des études commerciales et des cours de sciences
politiques, il intègre l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC).
Avant la fin de la deuxième année, il devient l'assistant du commandant
Cousteau à bord de la Calypso et coréalise Le Monde du silence en 1955, film qui obtient la Palme d'or au Festival de Cannes. Un an plus tard, il assiste Robert Bresson sur le tournage de Un condamné à mort s'est échappé. Pour
répondre aux besoins de ce film, il fonde la Société
Nouvelle des Editions de Films (NEF) qui détient une part dans la
coproduction et lui permet de produire son premier long métrage, Ascenseur pour l'échafaud
(1958). Louis Malle fait à nouveau appel à Jeanne Moreau dans Les amants (1958), et poursuit une riche carrière de réalisateur en
France et aux États-Unis en réalisant plus d'une trentaine de films dont Lacombe Lucien (1974), Atlantic city (1980), Au revoir les enfants (1987) et Milou en mai (1990).
Lire la présentation de Louis Malle par Bernard Payen sur le site de la Cinémathèque française.
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