COMÉDIES !
Sans filtre (Triangle of Sadness - VOstf)
Comédie satirique. Après la Fashion Week, Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s’inversent lorsqu’une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.
* Palme d'or, Festival de Cannes, 2022.
Aussi puissant que The Square, et encore plus corrosif, Sans filtre est un récit étrange et jubilatoire, grand moment de cinéma et d’humour féroce.
Le triangle de tristesse est une expression utilisée par les chirurgiens
esthétiques pour nommer cette zone entre les yeux où l’on peut lisser
les rides au Botox. Cela devait être aussi le premier titre français de Triangle of Sadness,
dont le récit structuré en trois parties débute par les aléas d’un
couple de mannequins qui ne cesse de se chamailler pour des histoires
d’argent. Carl (Harris Dickinson) est moins célèbre (donc moins
rémunéré) que Yaya (Charlbi Dean Kriek) ; aussi le jeune homme
reproche-t-il à son amie sa radinerie et son conformisme genré : c’est
toujours lui qui doit sortir la carte bancaire au moment de payer la
note des restaurants et autres dépenses. Carl et Yaya sont jeunes,
beaux, riches, mais sans doute « superficiellement superficiels », comme
aurait dit Max Ophüls. Leur mésentente fait écho au conflit du couple
de bourgeois en vacances à la montagne dans Snow Therapy
(Prix du Jury Un Certain Regard 2014). Et le ton décalé de leurs propos
nous plonge d’emblée dans l’univers corrosif de Ruben Östlund,
découvert en France avec Play (Quinzaine des Réalisateurs 2011). Ce début peut convoquer aussi des références externes, comme The Pillow Book
de Peter Greenaway, qui se déroulait lui aussi, en partie, dans
l’univers de la mode, avec deux amants borderline. La série de scènes
constitue en fait le premier volet d’un récit en trois parties, les deux
autres montrant une croisière de luxe suivi d’un séjour dans une île,
auxquels participent nos deux tourtereaux. Des personnages pittoresques
complèteront la galerie, d’un commandant de bateau américain
anticapitaliste et ivrogne (Woody Harrelson) à un Russe nouveau riche
farceur (Zlatko Burić), en passant par une femme de ménage asiatique se
révoltant contre sa condition de prolétaire opprimée (Dolly de Leon).
Ruben Östlund signe peut-être avec ce long métrage son film le plus
jouissif. Les gags de la seconde partie sont désopilants et ont
déclenché les plus grands rires des festivaliers cannois, peut-être
depuis Toni Erdmann
de Maren Ade. Le réalisateur met en scène un véritable jeu de massacre
sur les rapports de classe et de genre, tout en privilégiant une
ambiance irréelle et fantasque, avec une inspiration qui semble ici à
son sommet.
(...) Avec le recul, le présent métrage constitue selon Östlund « le dernier
pan d’une trilogie sur la condition du mâle contemporain, qui aurait
débuté avec Snow Therapy et The Square mais s’est imposée
en tant que telle un peu à son insu » (Le Film français). Les deux
heures et trente minutes pendant lesquelles se déroulent cette narration
se savourent avec délectation tout en témoignant avec brio des névroses
contemporaines. Gérard Crespo. Avoir-alire.com
Ruben Östlund commence par réaliser des documentaires
sur le ski au début des années 1990, pour ensuite étudier le cinéma dans
la ville de Gothenburg d'où il sort diplômé en 2001. En compagnie du
producteur Erik Hemmendorff, il fonde sa propre société de production, Plattform Produktion, qui l'accompagnera tout au long de sa carrière. Touchant
à tout puisqu'il est aussi scénariste, monteur et directeur de la
photographie, Ruben Östlund réalise en 2004 son premier long métrage de
fiction, Gitarrmongot,
centré sur plusieurs personnages vivant en dehors des normes au sein
d'une ville fictionnelle. Le long métrage remporte, entre autres, le
prix FIPRESCI au Festival de Moscou. C'est en 2017 que Ruben Östlund connaît la consécration, lorsque son nouveau film, The Square, décroche la Palme d'Or au 70ème Festival de Cannes alors qu'il n'était pas favori. Cinq ans plus tard, le metteur en scène revient sur la Croisette avec le provoquant Sans filtre,
où il est question de lutte des classes. A la fin de ce 75ème festival
de Cannes, Ruben Östlund remporte à nouveau la Palme d'Or et rejoint
ainsi le club très fermé des cinéastes ayant décroché le trophée suprême
deux fois.
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