CINÉMA FRANÇAIS ANNÉES 60 ET 70
La Chinoise
Dans un appartement dont les murs sont recouverts de petits livres rouges, des jeunes gens étudient la pensée marxiste-léniniste. Considéré comme un film prophétique, annonçant mai 68, un témoignage d'une époque et une belle originalité de la mise en scène.
En l'absence de ses parents, Véronique transforme l'appartement
familial bourgeois en cellule de réflexion maoïste. Etudiante à
Nanterre, elle veut abolir la séparation entre classe de philo et
classe ouvrière. Son jules, Guillaume, qui envisage d'être acteur,
participe à ces meetings domestiques, tandis qu'une fille venue de la
campagne, Yvonne, époussette Le Petit Livre rouge en écoutant Radio
Pékin. C'est le début des années politiques de Godard, qui va
radicaliser son engagement. Ici, il est déjà très militant, mais avec
des fulgurances poétiques comme dans cette scène où la géniale Juliet
Berto, sommée de donner une définition du marxisme-léninisme, répond
en parlant du soleil couchant. Les couleurs sont celles des années pop :
rouge, jaune, bleu, blanc, comme la robe d'Yves Saint Laurent en
hommage à Mondrian, créée un an plus tôt. Godard capte son époque en
marche : La Chinoise, « un film en train de se faire », annonce le
générique. Mai 68 se prépare, et le cinéma devient un révélateur
prophétique. Bien sûr, les discours idéologiques saturent le film, mais
ils ouvrent sur quelques échanges stimulants, comme la discussion entre
Anne Wiazemsky et le philosophe Francis Jeanson, qui joue son propre
rôle. Un témoin de choix dans un film témoin. Frédéric Strauss. Télérama.fr
Jean-Luc Godard est un nom mythique du cinéma. De son
premier long métrage, À bout de souffle (1960) jusqu’à Adieu au langage (2014), il a abordé tous les genres cinématographiques.
Son travail comprend aussi bien des films documentaires que des films de fiction, des films
de quelques minutes que des longs métrages, des séries vidéos
que des publicités. Il a même élargi le champ des différents
genres par la réalisation de nombreux essais documentaires
ou de fiction. Godard est un cinéaste qui a profondément révolutionné l’écriture
cinématographique et changé notre regard. Certains de ses films
sont devenus des classiques et s’ils ont peut-être perdu le pouvoir
provocateur qu’ils ont eu au moment de leur sortie sur les écrans
(car avec le temps le cinéma a assimilé ses fulgurances et ses
audaces), d’autres, au contraire, plus récents, déconcertent
par leur complexité, l’abondance des références et
des citations, par la nouveauté et l’originalité de leur
langage, loin de toute narration classique.
Après avoir passé son
baccalauréat en 1949, Jean-Luc Godard s'inscrit à la Sorbonne en Propédeutique
et certificat d'ethnologie. Le jeune homme fréquente surtout les ciné-clubs
et la Cinémathèque Française d’Henri Langlois, installée
rue de Messine depuis 1948. Au « ciné-club du Quartier Latin »,
Jean-Luc Godard fait la connaissance des futurs cinéastes de la Nouvelle
Vague, Jacques Rivette et Eric Rohmer, qui fondent La Gazette du cinéma. C'est
dans cette toute jeune revue qu’il signe ses premiers textes, adoptant
parfois le pseudonyme de Hans Lucas (« Jean-Luc » en allemand).
Le rêve de Godard est alors de publier un roman chez Gallimard.
Que ce soit dans La Gazette du cinéma ou les Cahiers,
Godard mène déjà une réflexion sur le cinéma.
Le texte qu’il signe pour le premier numéro des Amis du cinéma,
en 1952, a pour titre Qu'est-ce que le Cinéma ? et
se termine par cette phrase : « Aussi, à la question Qu'est-ce
que le Cinéma ?, je répondrai
d'abord : l'expression des beaux sentiments ».
Toutefois, son texte théorique le
plus important est Défense et illustration du découpage
classique; le jeune homme s’en prend, dans les pages
même des Cahiers, à la pensée
d’André Bazin qui s’enthousiasme sur la profondeur de champ
et le plan séquence, défini par ce dernier comme marque de la modernité au
cinéma. Cette défense d’un langage classique réapparaît
en décembre 1956 avec Montage, mon beau souci qui
figure dans le même dossier sur le montage que Montage interdit d’André Bazin.
De 1956 à 1959, dans les Cahiers du cinéma, mais également
dans les pages de l’hebdomadaire Arts, Godard livre ses grands textes
sur Frank Tashlin, Alfred Hitchcock, Nicholas Ray, Ingmar Bergman, Anthony Mann,
Douglas Sirk, Fritz Lang, Boris Barnet, Roberto Rossellini, Jean Renoir et Jean
Rouch. Il aime ce qu’il appelle « l’art
et la théorie de l’art », un cinéma qui montre,
et qui s’interroge sur lui-même.
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