Une actrice va jouer Barbara, le tournage va commencer bientôt. Elle travaille son personnage, la voix, les chansons, les partitions, les gestes, le tricot, les scènes à apprendre, ça va, ça avance, ça grandit, ça l’envahit même. Le réalisateur aussi travaille, par ses rencontres, par les archives, la musique, il se laisse submerger, envahir comme elle, par elle.

* César de la Meilleure actrice et César du Meilleur son, 2018.

* Prix Louis Delluc, 2017.

* Prix Jean Vigo, 2017.

* Prix de la poésie du cinéma, Un Certain Regard, Cannes, 2017.

Avec Jeanne Balibar dans le rôle d’une actrice répétant le personnage de la chanteuse, Mathieu Amalric exalte l’alchimie entre les deux femmes. (...).

Propulseur. Le tournage apparaît ici comme un lieu où on tente des choses, où l'on tricote et détricote, où l'on façonne la beauté à tâtons. C'est aussi ce que Mathieu Amalric montre du travail de Barbara et de l'actrice interprétée par Balibar (c'est-à-dire de Balibar elle-même, bien qu'elle se nomme ici Brigitte) : une chanson créée par petites touches, des répétitions joyeuses, l'installation technique avant un concert, l'actrice étudiant les gestes de celle qu'elle doit incarner, etc. Le film peut donner l'impression d'un grand chantier dans lequel cinéma et chanson, acteurs et modèles, tournage et montage sont touillés dans une même ébullition créatrice. Mais à chaque fois, il se situe au point précis où la recherche laborieuse commence à effleurer la grâce, et parfois même à la toucher. Le personnage du réalisateur (interprété par Amalric lui-même) importe bien moins que celui de l'actrice. Il n'est que le vecteur timide, le témoin admiratif qui sert d'écrin ou de propulseur au jeu de celle-ci.

Les parties les plus troublantes de ce grand collage sont celles qui entremêlent les archives et leurs reconstitutions, avec une précision telle que l’on ne sait plus qui est qui et à quel moment le document fait place à la fiction. Au-delà de la réelle virtuosité de l’exercice, ces moments touchent le cœur du film, son enjeu profond : non pas faire un portrait de Barbara ou de Balibar, mais organiser leur rencontre, comme on pratique une greffe ou une expérience chimique entre deux organismes ou substances qui s’enrichissent l’un l’autre. La rencontre est fructueuse et passionnante parce que, bien au-delà de leur ressemblance physique, toutes les deux sont d’une nature semblable, appartiennent à la même espèce : volontiers exubérantes, elles puisent la vérité dans les artifices, les masques, les manières. Quelque chose de magnifique se produit entre elles : en s’éclairant mutuellement par la pratique de leur art, Balibar révèle Barbara et inversement. (...)

Ressorts. Barbara est donc un film qui bricole avec le cinéma comme peu d'autres le font aujourd'hui. On pourrait le rapprocher de ceux que Todd Haynes a consacré aux figures de Bob Dylan (I'm Not There, 2006) et surtout de David Bowie (l'extraordinaire Velvet Goldmine, 1998), avec une comparable façon de cerner ces artistes très librement, non par une reconstitution qui se voudrait fidèle à leur biographie, pas plus qu'à travers un point de vue moral sur leurs parcours (comme dans tant de biopics) mais en pénétrant, par plusieurs chemins à la fois, au sein de leur imaginaire, de leur création et de ses ressorts. Barbara a effectivement en commun avec Bowie et Dylan de s'être inventée, de s'être façonné un personnage (ou plusieurs) dont la sophistication est la nature même. Par la construction très élaborée et musicale de son film, et grâce à Jeanne Balibar (quelle autre actrice française aurait pu faire ça ?), Amalric est parvenu à retrouver l'essence de cette sophistication sincère, de cette artificialité franche qui rendent les chansons de Barbara si émouvantes et uniques. Marcos Uzal, Libration.fr, 2017

Mathieu Amalric est un acteur et réalisateur français né en 1965. Comédien éclectique dans ses choix, allant du cinéma d'auteur français aux grosses productions américaines, il est récompensé par le César du meilleur espoir masculin en 1997 pour Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) d’Arnaud Desplechin, puis deux fois par le César du meilleur acteur : en 2005 pour Rois et Reine d'Arnaud Desplechin et en 2008 pour Le Scaphandre et le Papillon de Julian Schnabel. Comme réalisateur — son activité première, il considère être devenu « acteur par accident » — il reçoit le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2010 pour Tournée. En 2017, Barbara remporte de nombreuses récompenses dont Le prix Louis Delluc et le prix Jean Vigo.

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Ce film est interdit aux moins de 16 ans.