LA VIE MÊME !
Bigamie - VOstf (The Bigamist)
Harry (Edmond O’Brien ) et Eve (Joan Fontaine) vivent à
San Francisco. Mariés depuis huit ans, leur couple se délite : Eve ne
peut avoir d’enfants et, pour essayer de compenser ce manque, se
consacre entièrement à sa vie professionnelle. Harry, toujours amoureux,
se sent délaissé. A Los Angeles, où il passe la moitié de son temps
pour affaires, il fait la connaissance de Phyllis (Ida Lupino). Ils
deviennent amis, puis amants. Lorsque Eve accepte finalement de lancer
une procédure d’adoption, Harry décide de rompre avec Phyllis. Mais
celle-ci vient de tomber enceinte et Harry ne peut pas l’abandonner à
son sort.
Ida Lupino ne fait pas appel à des stars pour incarner les personnages meurtris de ses films. On note juste dans The Bigamist
la présence de Joan Fontaine, présence que l’on doit certainement en
partie au fait qu’elle est devenue la femme de Collier Young en 1952,
soit un an après le divorce de ce dernier avec Lupino.
The Bigamist raconte comment un homme marié tombe
amoureux d’une autre femme et l’épouse lorsqu’il apprend qu’elle est
enceinte, tombant dès lors sous le coup de la loi. La bigamie, sujet
très peu traité au cinéma, n’est pourtant pas le coeur du film. Ce qui
intéresse avant tout Lupino, c’est de parler d’êtres prisonniers d’une
vie qu’ils n’envisageaient pas d’avoir. (...) The Bigamist raconte donc une histoire d’amour survenue
trop tard et qui vient mettre en péril une autre histoire d’amour,
certes malmenée par les aléas de la vie, mais toujours vivace. Harry n’a
rien d’un séducteur, et son histoire d’amour avec Phyllis naît d’abord
de sa maladresse à aborder cette fille. Ils deviennent amis car ce sont
deux âmes solitaires, perdues dans San Francisco, et leur histoire
d’amour advient tout naturellement, sans éclats. Dans un mélodrame
classique, Harry aurait été dévoré d’amour pour Phyllis tout en
souffrant d’une femme acariâtre et possessive, trame également éprouvée
du film noir. Lupino joue d’ailleurs brillamment sur cette imagerie du
film noir.(...) Si The Bigamist est moins abouti formellement, moins étonnant que Not Wanted ou Outrage,
il n’en demeure par moins une œuvre passionnante, portée par la
justesse du regard de Lupino et par une interprétation magistrale. La
réalisatrice signe ici l’une de ses plus belles apparitions à l’écran et
Joan Fontaine est
parfaite, jouant merveilleusement bien de cette fausse froideur qui
masque difficilement la tristesse profonde de son personnage. Edmond
O’Brien est quant à lui magistral dans un rôle masculin à la fragilité et à la sensibilité peu coutumière dans le cinéma américain. Lire la suite de la critique de Bigamie, sur DvdClassik.
Ida Lupino, née en Angleterre en 1918, est issue d’une
grande dynastie d’acteurs de théâtre dont les racines remontent à la
Renaissance italienne. Elle entre à l’Académie Royale d’Art Dramatique à treize ans et, un an
plus tard, part déjà en tournée dans toute l’Angleterre. Elle débute sa
carrière au cinéma en 1932 - elle a alors dix-huit ans - dans un premier
rôle que lui offre Allan Dwan (Her First Affair). Après quelques films tournés en Angleterre, elle gagne Hollywood en 1934. Ses interprétations chez Lewis Milestone (Paris in Spring) et William Wellman (La Lumière qui s’éteint) la font entrer à la Warner en 1940 où elle devient une star maison.
Ida Lupino monte
une maison de production avec son mari, le romancier Collier Young. Son
nom, The Filmakers, clame haut et fort à la face de Hollywood,
où le producteur est encore roi, que le cinéaste est et doit être au
cœur du projet d’un film. L’ambition du studio est de réaliser des films
indépendants, à budgets réduits, qui s’intéresseraient à des sujets
écartés par le cinéma classique et s’attacheraient à la classe moyenne
américaine. Lupino passe à la réalisation en 1949. C’est le début
d’une seconde carrière. Une femme réalisatrice est alors chose
extrêmement rare, aux Etats-Unis
en particulier où le seul nom qui vient à l’esprit est celui de Dorothy
Azner. Lupino parvient donc à s’imposer en tant que cinéaste (elle est
la deuxième femme acceptée au syndicat des réalisateurs) et, deuxième
gageure, prend à bras-le-corps des sujets jusqu’ici quasiment absents
des écrans de cinéma. Ida Lupino entend montrer dans ses films un visage peu connu de
l’Amérique, donnant des premiers rôles magnifiques à des personnages
féminins et traitant de sujets de société forts et assez provocateurs
pour l’époque. A lire Ici le passionnant portrait de la cinéaste Ida Lupino, sur DvdClassik.
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