1840. Mary Anning fut une paléontologue renommée mais vit aujourd’hui modestement avec sa mère sur la côte sud et sauvage de l’Angleterre. Mary glane des ammonites sur la plage et les vend à des touristes fortunés. L’un d’eux, en partance pour un voyage d’affaires, lui demande de prendre en pension son épouse convalescente, Charlotte. C’est le début d’une histoire d’amour passionnée qui défiera toutes les barrières sociales et changera leurs vies à jamais.

Ammonite touche là où on l’attend le moins. Un film à la synergie évidente, aimant associer le naturalisme à une forme de vertige ardent. Une romance silencieuse, à l’agonie, toujours juste dans le sentiment convoqué. Kate Winslet dans son meilleur rôle depuis The Reader.

On avait laissé le cinéaste Francis Lee avec un premier long métrage d’une richesse évidente, Seule La terre, réalisé en 2017, qui relatait déjà l’histoire d’une romance impossible entre deux jeunes hommes, sans cesse animés par le refoulement perpétuel des consciences. (...) L’on retrouve cette même recherche de mise en scène sensorielle et naturaliste dans Ammonite, un film mené par l’ambition de proposer une autre manière de représenter la passion.
Le nouveau long métrage de Francis Lee, labellisé Cannes 2020, pose sa caméra dans l’Angleterre corsetée et immensément victorienne des années 1840, un cadre historique particulièrement propice aux malaises du cœur, où l’on va assister à la naissance d’un amour perdu, un amour étouffé par les conventions sociales, la différence de classes et de caractère de ces deux figures féminines en perdition, qui tentent de se sauver mutuellement de la torpeur, d’échapper à une vie de souffrances. Il faut cependant préciser qu’il ne s’agit nullement d’un récit biographique de Mary Anning, le personnage principal du film, chercheuse de fossiles éminente que l’Histoire a cru bon d’éclipser, comme la plupart des femmes de pouvoir, le procédé d’écriture employé ici ne consistant qu’à conjuguer la petite et la grande histoire. Ammonite séduit d’emblée par son écriture dépoussiérée et dépourvue de fioritures narratives, se concentrant presque exclusivement sur la relation de Mary Anning avec son apprentie, la femme d’un riche noble londonien délaissée par son mari, après ce qui semble avoir été un drame conjugal inextricable. D’abord réticente et luttant contre ses propres démons, Mary va peu à peu s’attacher à cette jeune femme sacrifiée par la vie, au regard impénétrable. Et bien que l’histoire dans sa globalité suive un cheminement un brin conventionnel, elle arrive sans mal à déployer toute sa puissance dramaturgique quand le film choisit le symbolisme pur, à l’image de ce fossile millénaire, cette coquille enroulée dont seule la dernière loge était occupée par l’animal préhistorique. Cette écriture épurée et constamment portée par la métaphore des sens arrive à trouver un équilibre parfait entre l’initiation de ses personnages à la transgression des interdits moraux et le cadre dans lequel ils évoluent, la majeure partie du métrage se déroulant sur une plage de sable blanc où des multitudes de vagues de différentes échelles se brisent sur le rivage. Cette plage, miroir psychologique de cette romance tortueuse, sans cesse heurtée par ces vagues qui finiront par disparaitre dans le sable, reflète, avec une infinie agilité de sentiments, l’espace mental dédaléen de protagonistes peinant à sortir de la noyade.
L’implication pérenne des actrices est elle aussi admirable, en commençant par Kate Winslet, qui trouve dans sa collaboration avec Francis Lee une étendue de possibilités de jeu sidérante, arrivant deux heures durant à puiser au plus profond de ses capacités, pour construire un rôle parmi l’un des plus marquants de sa carrière prolifique. Saoirse Ronan n’est pas en reste et manie l’art de la répartie avec un talent certain, ne sombrant jamais dans la redite ou la reproduction de sa filmographie antérieure.
Ammonite est l’œuvre d’un auteur en pleine possession de ses moyens, extrêmement jubilatoire et stimulant par moments, qui ne saurait se réduire à une romance présomptueuse à la prémisse opportuniste. Il s’agit bien là d’un miracle de cinéma. Julien Rocher. Avoir-alire.com

Francis Lee grandit dans les montagnes des Pennines dans le West Yorkshire, au Royaume-Uni. Il étudie l’art dramatique au Rose Bruford College, puis joue dans de nombreuses pièces de théâtre ainsi qu'à la télévision et au cinéma notamment sous la direction de Mike Leigh (Topsy-Turvy). Après trois courts métrages remarqués, The Farmer's Wife, Bradford-Halifax-London, et The Last Smallholder, Francis Lee réalise son premier long métrage en 2017, Seule la terre. Le film est présenté au Festival de Sundance, où il remporte le Prix de la mise en scène, et au Festival de Berlin, où il est récompensé par le Teddy Award du Männer Jury. Ammonite est son deuxième long-métrage, en sélection officielle du festival de Cannes 2020.

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Ce film est interdit aux moins de 16 ans.