Lors d’un voyage d’affaires au Festival de Cannes, Manhee est accusée de malhonnêteté par sa patronne, et licenciée. Claire se balade dans la ville pour prendre des photos avec son polaroïd. Elle fait la rencontre de Manhee, sympathise avec elle, la prend en photo. Claire semble capable de voir le passé et le futur de Manhee, grâce au pouvoir mystérieux du tunnel de la plage. Désormais, Claire décide d’accompagner Manhee au café où elle a été licenciée. C’est le moment de découvrir le pouvoir de Claire à l’œuvre…

Le charme discret (mais réel) du cinéma de Hong Sang-soo agit toujours avec cette œuvre épurée tournée dans les rues de Cannes à l’occasion de l’édition 2016 du Festival. Le « Rohmer sud-coréen », comme d’aucuns qualifient sans doute abusivement le cinéaste, retrouve ici deux de ses muses : son épouse Kim Min-hee, qui avait brillé dans le récent Seule sur la plage la nuit ; et Isabelle Huppert, qu’il avait dirigée dans In Another Country. Qu’il filme Séoul, Hambourg ou Cannes, Hong Sang-soo reste fidèle à son art : des plans fixes cernant des personnages indécis et bavards travaillant dans l’univers du septième art, des séquences incontournables comme l’habituelle beuverie autour d’une bouteille de saké, ou ce jeu sur le présent, le passé et le futur, privilégiant le ton décalé et la mise en abyme. 

La Caméra de Claire se détache cependant de ses précédentes œuvres, moins par sa « french touch » et ses conditions de tournage artisanales, que par sa tonalité fantaisiste et légère. Il y est certes question de licenciement et de rupture amoureuse, mais l’essentiel est ailleurs : dans cette irruption d’humour surréaliste qui n’aurait pas déplu à Buñuel et cette ambiance de conte fantastique qui évoque par instants le scénario de La Vie est belle de Frank Capra aussi bien que le cinéma de Demy : la photographe interprétée par Huppert n’est-elle pas une réincarnation de la bonne fée immortalisée par Delphine Seyrig dans Peau d’âne ? À moins que son Polaroïd magique ne soit une nouvelle version de l’appareil utilisé par David Hemmings dans Blow-Up… On appréciera par ailleurs l’effet de miroir de La Caméra de Claire, à travers les clichés pris par l’enseignante parisienne. Le réalisateur s’est ici basé sur la thèse de l’essayiste Susan Sontag qui estime que les photos permettent de découvrir les personnes comme elles ne se voient jamais. La Caméra de Claire est donc autant une variation de plus à l’édifice d’une œuvre personnelle qu’un film se nourrissant de théories et de propositions de cinéma plus anciennes. Gérard Crespo. Avoir-alire.com

Hong Sang-soo est un réalisateur et scénariste sud-coréen. Au Festival du film de Locarno, il reçoit en 2013 le Léopard d'argent pour son film Sunhi, et en 2015 il reçoit le Léopard d'or pour son film Un jour avec, un jour sans. Hong Sang-soo découvre le cinéma avec les films hollywoodiens à la télévision. En 1982, après avoir étudié la mise en scène à l'université de Chungang, à Séoul, il part étudier aux États-Unis. Cet amoureux de Rohmer et de Cézanne, qui a vécu un an en France, connaît un choc esthétique en découvrant à 27 ans Le Journal d'un curé de campagne de Robert Bresson, un film qui le convainc de se tourner vers un cinéma plus narratif. Il réalise en 1996 son premier long métrage, Le Jour où le cochon est tombé dans le puits suivi deux ans plus tard par Le Pouvoir de la province de Kangwon (tourné en noir et blanc). Ces premières œuvres, tout comme La Vierge mise à nu par ses prétendants (2000), sont saluées par la critique et primées dans les festivals. Sang-soo y décrit avec un remarquable sens du détail le quotidien de jeunes Coréens, leurs relations de couple conflictuelles et leur malaise existentiel latent. Fort de sa réputation, Hong Sang-soo dispose de moyens plus confortables pour Turning gate (2004). Dans ce quatrième opus, qui obtient un beau succès public en Corée, le réalisateur affine son style tout en restant fidèle à sa thématique. L'alcool et le sexe tiennent une large place dans son cinéma, qui mêle avec audace poésie et trivialité, abstraction et crudité, mélancolie et humour. On retrouve ces caractéristiques dans La Femme est l'avenir de l'homme (2004) et Conte de cinéma (2005), qui sont l'un et l'autre en compétition au Festival de Cannes. Il signe son grand retour sur la Croisette en 2010 avec HA HA HA, qui remporte le Prix Un Certain Regard. E, 2012, le metteur en scène travaille avec Isabelle Huppert pour In Another Country. Entre 2017 et 2018, Hong Sang-soo réalise 4 autres films, Yourself and Yours, Le Jour d'après, Seule sur la plage la nuit et La Caméra de Claire, dans lequel il retrouve Isabelle Huppert.

Retrouvez ici d'autres films de Hong Sang-soo, disponibles en DVD dans les médiathèques.


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